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Beni : le lynchage par la foule, un autre mode vie

Soupçonné d’appartenir à un groupe rebelle armé, un homme a été lapidé par des habitants de Beni, dans le Nord-Kivu, en RD Congo, avant d’être brûlé vif, vendredi 31 octobre. Un événement d’une rare violence dans une ville en proie à des incursions rebelles meurtrières.

Cette scène de justice populaire s’est déroulée dans le quartier Matonge, à Ruwenzori, une commune de Beni, vers 10 h du matin. L’homme avait pris la fuite après avoir été interrogé par des chauffeurs de taxi, qui le trouvaient suspect. Il a ensuite été rattrapé et tué par la foule.

 

 

 

"Plus de 200 personnes lui jetaient des pierres"

Elisée Mweru, étudiant en communication des organisations à Beni, a assisté aux événements. Il déplore la violence de la population, inutile et illégitime selon lui. Quatre hommes se sont rendus sur le parking d’Oicha, afin de prendre un taxi. Des membres de l’association des chauffeurs de taxi leur ont demandé leurs cartes d’identité, car ils les trouvaient bizarres. Ils étaient mal habillés, mal coiffés, un peu sales, et parlaient une langue qu’ils avaient du mal à comprendre et qui semblait être du Rwanda. C’est surtout leur langage qui les a interpellés. En les interrogeant dans leur bureau, ils ont trouvé des machettes ensanglantées dans leurs bagages.

L’un d’eux a pris la fuite et est tombé sur un policier, qui lui a demandé où il allait. L’homme lui a expliqué qu’on l’accusait d’être un membre du groupe ADF-Nalu [un groupe rebelle islamiste ougandais, NDLR]. Le policier a cherché à le protéger contre les habitants qui s’étaient lancés à sa poursuite. Malheureusement.

"On ne sait même pas si cette personne appartenait à un groupe armé."

Mais les habitants l'ont rapidement rattrapé. Ils étaient au moins 200. Tout le monde jetait des pierres sur lui. L’homme est tombé à terre et ils sont venus le frapper. Quelqu’un a dit : "Arrêtez, on va le brûler." Une dizaine de personnes se sont approchées de lui. L’une d’elle a lancé : "Il respire encore, brûlons-le tant qu’il est encore vivant afin qu’il sente la douleur." Les gens ont cherché des planches, du bois… Puis un vendeur de carburant a donné un demi-litre de combustible pour le brûler.

Ensuite, deux personnes ont mordu sa chair. Je suis parti à ce moment-là car j’ai trouvé ça inhumain. C’est la première fois que je vois quelqu’un être brûlé de cette manière. On ne sait même pas si cette personne appartenait à un groupe armé. C’est la police qui devrait arrêter les personnes suspectes, ce n’est pas à la population de faire ça…

Les trois autres hommes qui étaient avec lui sont restés dans le bureau des chauffeurs de taxi. Comme les gens jetaient des pierres contre l’édifice, les militaires sont venus pour les emmener et les protéger. Je crois qu’ils sont toujours aux mains de l’armée.

Vendredi 31 octobre, le président Joseph Kabila était présent à Beni, afin de prononcer un discours portant sur l’insécurité. Il a notamment demandé à la population de ne pas rendre justice elle-même, tout en annonçant le renforcement des dispositifs de sécurité dans la zone. La veille, une attaque avait fait une dizaine de morts à 70 km de la ville. Depuis un mois, plus d’une centaine de personnes ont été tuées dans le Nord-Kivu en raison d’attaques attribuées aux groupes rebelles sévissant dans la région.

"On a été accusés d’appartenir au groupe armé ADF-Nalu uniquement en raison de notre barbe"

Cette insécurité de Beni ne date pas d’aujourd’hui. Elle est récurrente depuis trois ans avant même qu’on ne chasse officiellement les ADF-Nalu. Et beaucoup de gens sont ainsi portés disparus. On ne peut pas manquer de se souvenir de notre confrère Serge Gaza jusqu’à ce jour introuvable. Que lui est-il vraiment arrivé parce qu’il ne fait toujours pas signe de vie ?   

Anselme Wasingya, réalisateur et caméraman, lui a eu beaucoup de chance. Il se trouvait à 20 km de Beni lorsque le dernier lynchage s’est produit. Il raconte avoir lui aussi avoir déjà été soupçonné d’appartenir au groupe rebelle ADF-Nalu, en raison de sa barbe et de la psychose liée au contexte d’insécurité croissante.

Toutes les personnes ayant l’air suspectes sont arrêtées. Mercredi 29 octobre, j’ai été arrêté avec des collègues par les militaires, car nous portions la barbe. Ils nous ont demandé nos pièces d’identité et ont fouillé mon sac, dans lequel je transportais ma caméra, et la mallette d’un collègue qui contenait un ordinateur. Les militaires nous ont accusés d’être des rebelles ou des espions du groupe ADF-Nalu uniquement en raison de notre barbe, avant de nous relâcher. La ville de Beni est sur-militarisée, mais les massacres continuent tout de même [au moins huit personnes ont été tuées dans un quartier de Béni dans la nuit du samedi à dimanche, NDLR].

Concernant le lynchage qui s’est produit régulièrement dans cette contrée, il faut savoir que les personnes qui ne maîtrisent pas le swahili, la langue locale, sont mal vues par les habitants du Nord-Kivu. Les hommes arrêtés par les chauffeurs de taxi parlaient un swahili proche du kinyarwanda [le kinyarwanda et le lingala sont les principales langues parlées par les éléments de l’ADF-Nalu], ce qui a éveillé les soupçons.

En janvier, les forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ont lancé une vaste opération pour repousser les attaques rebelles et sécuriser la région. Jugée insuffisante par de nombreux habitants, certains ont constitué des groupes d’auto-défense dans plusieurs villes du Nord-Kivu afin d’assurer eux-mêmes leur sécurité.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Chloé Lauvergnier (@clauvergnier), journaliste à France 24.

Source : www.lappelafricain.com 
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